Jean-Glory Mukwama, a.a. |
La célébration du 33ème chapitre général sera un événement marquant pour
notre Congrégation. Elle exige la mobilisation de tous. «À vin nouveau, outres
neuves. Pour que le Christ parle aux hommes et aux femmes de ce temps», tel est
le thème de ce grand rendez-vous. Pourquoi un pareil thème? À quoi nous
renvoie-t-il?
En effet, depuis la publication de la lettre d’indiction du Supérieur
général, ce thème a suscité bien des réflexions. Je m’attache à faire une
approche exégétique de ce verset dans le troisième évangile afin d’en dégager
le sens théologique.
Ce thème invite chaque religieux à vivre un renouveau spirituel et une
vraie conversion. Ce chapitre peut être un Kairos qui ouvre à un aggiornamento
significatif : la réforme de ses structures, une nouvelle politique de
formation par la création des communautés internationales de formation et la
révision de la Ratio Institutionis. L’Assomption bouge! Mais encore faut-il le
reconnaître, s’ouvrir à cette nouveauté comme appel à nous convertir et à nous
ancrer dans une fidélité plus grande et une foi toujours plus inventive.
S’ouvrir à la nouveauté pour se convertir Notre Règle de Vie affirme que
«le Christ est au centre de notre vie» (RV. 2). La commission préparatoire du
chapitre n’a pas hésité à y puiser la sève qui orientera les travaux du
chapitre. Ce thème présent dans les synoptiques est placé, chez Luc, dans la
section consacrée au ministère de Jésus en Galilée, après l’appel de ses
disciples.
Alors que Jésus procède à l’appel de ceux-ci, le récit le présente à
table avec les pécheurs chez le publicain Lévi, montrant ainsi une opposition
entre la tradition des pharisiens et le nouvel enseignement de Jésus. Jésus n’a
pas encore eu le temps de former ses nouveaux disciples, les voilà confrontés
aux pharisiens. Le texte dit : «Les pharisiens et les scribes murmuraient et
disaient à ses disciples : Pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec les
publicains et les pécheurs?» (Lc. 5, 30).
Le problème n’est pas celui du manger et du boire, comme l’affirment les
pharisiens, mais celui de le faire «avec» des publicains et des pécheurs. La
préposition «avec», employée 154 fois dans le Nouveau Testament est rendue en
grec par μετα, c’est-à-dire au milieu de,
parmi. Cet élément est déterminant pour saisir la pointe de la critique
pharisienne. Un des actes majeurs de Jésus dans l’Évangile est qu’il prend son
repas avec les pécheurs et accomplit par là un geste de communion avec eux.
L’attitude des pharisiens nous concerne aussi. Luc souligne leur
résistance à la nouveauté du Christ. Cette résistance illustre chez Luc la
difficulté de la jeune communauté chrétienne à faire coïncider ses nouvelles
pratiques religieuses avec les pratiques traditionnelles juives. En effet, les
amateurs de vieux vins disaient le vieux est meilleur. De plus, la nouveauté a
toujours entrainé une double réaction : l’attirance ou le rejet.
Dans ce récit, le nouveau suscite l’hostilité des pharisiens qui
s’obstinent et reculent devant l’inconnu, le risque à prendre, l’inattendu.
Cette attitude sera stigmatisée par Jésus à travers ces trois métaphores : des
noces, du vêtement et du vin et des outres. La nouveauté appelle à la fidélité
à nos origines et à une foi inventive La troisième métaphore, Jésus la puise
dans la sagesse juive.
En effet, chez les juifs on avait l’habitude, en fin d’année, de
transvaser l’ancien vin conservé dans des jarres afin de le bonifier et il
fallait mettre le vin nouveau dans des outres neuves, en se gardant bien
d’utiliser les anciennes. Le vin, yayin en hébreu et *oinon(z)* en grec,
comporte un élément de la langue néo-sumérienne qui signifie vie.
Dans le Nouveau Testament, ce vocable traduit aussi la joie, l’alliance
et même le royaume à venir. Jésus l’utilise pour désigner la nouvelle Alliance
qu’il instaure. Comme le Christ est déroutant dans ses élans! Comme ce récit
qui succède à celui de la pêche miraculeuse retourne la vie des pécheurs de
Galilée! Ces derniers prendront une nouvelle direction, tenteront l’aventure
(du latin advenire : avenir, imprévu) qui les placera devant l’inconnu : «sur
ton ordre je jetterai les filets ( ) laissant tout, ils le suivirent» (Lc. 5,
5.11).
Notre chapitre nous place devant une perspective semblable. Notre
fidélité au Christ nous conduira à des inattendus, aux imprévus de Dieu.
Serons-nous prêts à les reconnaître, les accueillir et à les intégrer à notre
vie? Le vin est aussi le fruit de la vigne, oui un accusatif masculin bien
singulier pour souligner la nouveauté toute singulière du Christ, mais aussi le
caractère unique de son message et de sa personne.
Le Christ dit ailleurs qu’il est la vigne et nous les sarments (Cf. Jn.
15, 5). Le vin qu’est le Christ lui-même, se donne à nous comme un breuvage.
Les outres quant à elles, sont à l’accusatif masculin pluriel. Elles désignent
la multitude de ceux qui acceptent d’entrer dans le pressoir du Christ afin de recueillir
le vin du Royaume. Le vin nouveau doit être mis dans les outres neuves (as kouz
kainoύz).
Ce trait insiste fortement sur la mise en œuvre de la doctrine nouvelle.
Elle doit être portée par des hommes nouveaux, non pas par des esprits imbus de
préjugés anciens. Cet appel à la conversion, à un changement de regard sur le
monde doit imprégner notre apostolat, nos cœurs et nos paroles. Comme dit la
prière composée pour ce chapitre, nous serons artisans de paix, hommes de
communion, compagnons d’humanité, serviteurs de nos frères et témoins de la
Bonne Nouvelle si nous devenons ces outres neuves pour le vin nouveau.
Il ne s’agit pas d’une révolution mais d’un renouveau. La révolution
abolit. Le Christ n’est pas venu abolir mais accomplir la loi (Cf. Mt. 5, 17).
La révolution détruit, la conversion nous aide à «regarder notre passé avec
gratitude, vivre notre présent avec passion et embrasser notre avenir avec
espérance». «Je suis venu faire toutes choses nouvelles», dit Jésus (Ap. 21,
5). A sa suite, faisons preuve d’inventivité apostolique, capable de susciter
les options courageuses, attentives aux signes de notre temps pour l’avènement
du Royaume en nous et autour de nous.
Jean-Glory MUKWAMA LUWALA, a.a.
Merci père Glory, aa
RépondreSupprimerMerci bcp père Glory pour cette reflexion si riche! Je vous encourage....
RépondreSupprimerCourage mon père!
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